L'éclairage sur ces stratégies permet d'envisager la victime autrement : non plus comme une victime de violences conjugales mais comme l'instrument d'un fonctionnement complexe.
Les différents mécanismes d'adaptation au processus d'emprise permettent de comprendre puis d'accepter l'ambivalence qui habite ces femmes et qui déstabilise les soignants. Par exemple, les décisions prises en période de crise sont réversibles : les démarches entreprises peuvent être abandonnées lorsque l'espoir renaît.
Souvent, le souhait premier de la victime est que les violences s'arrêtent, et pas nécessairement de quitter le conjoint violent.
Différents modèles coexistent pour appréhender le phénomène des violences conjugales. Généralement, on parle d'escalade des violences: l'installation des violences est subtile et suivie d'une aggravation progressive en fréquence et en intensité.
Le cycle des violences est un modèle habituellement utilisé pour comprendre l'évolution des violences dans le temps. Ce cycle comprenant 4 étapes, se répète et s'accélère dans le temps, comme une spirale infernale. Il tend à prendre une forme binaire : tension et agression se succédant sans justification et réconciliation.
La roue du pouvoir et du contrôle (d'aprés Duluth) : ce modèle met en évidence l'importance de la domination au cœur du phénomène de violences conjugales. Tous les moyens violents convergent et sont utilisés pour obtenir le pouvoir et le contrôle sur le partenaire.
* La séduction pour commencer :
La rencontre peut être vécue comme fusionnelle, avec un homme qui correspond exactement aux attentes de sa future compagne. Cet "accrochage" est parfois facilité par la complémentarité psychique de deux individus et par des facteurs de vulnérabilité chez la femme, d'ordre social et/ou psychologique. Cet amour idéal(isé) constitue la préparation psychologique à la soumission.
* Puis viennent la manipulation, la domination et la violence :
La manipulation amène la confusion, l'isolement, la culpabilisation. Elle repose sur différents moyens qui peuvent être : comportementaux = surveiller l'autre, l'isoler (travail, famille, amis) , créer une dépendance financière..., émotionnels = manipulations verbales et chantage, cognitifs = contrôle du langage et de la communication en utilisant des messages contradictoires. Ce processus d'instrumentalisation engendre une modification de conscience : perte de confiance, déstabilisation, confusion, effondrement de la capacité critique, doute sur le propre ressenti, sentiment de vide. Il existe un épuisement psychique et physique.
* Des mécanismes d'adaptation se mettent en place chez la victime :
Elles sont prises en étau entre le désir d'exister en tant que personne à part entière et/ou de protéger leur(s) enfant(s) et :
Ces obstacles expliquent leur difficulté à quitter le conjoint violent et à prendre des décisions pour changer leur situation.
A savoir : la séparation est une période à risque de passage à l'acte violent ou d’aggravation des violences.
Plusieurs études concluent que les pathologies addictives augmentent le risque de perpétration de violences conjugales. Par exemple, selon l’OMS, l’utilisation nocive d’alcool est un facteur de risque d’être auteur de violences conjugales. Une méta-analyse montre que le risque d’agression sur un partenaire intime est multiplié par 3 en cas de trouble de l’usage de l’alcool ou d’un autre produit (majoritairement cocaïne et cannabis).
Il
existe également un recours
aux substances psychoactives plus important chez les personnes ayant
subi des violences
au cours de leur vie. Le lien de causalité n'est pas encore
réellement établi mais il pourrait être expliqué par la mémoire
traumatique. (pour en savoir plus sur la mémoire traumatique : https://www.memoiretraumatique...)
Actuellement une étude multicentrique (ViA-MG) est en cours dans le Puy-de-Dôme et à Paris pour évaluer la prévalence de la victimisation et de la perpétration des violences conjugales chez les patients consultant ou étant hospitalisés en addictologie. Elle permettra également de décrire cette population (caractéristiques socio-démographiques, caractéristiques des recours à la médecine générale, attentes vis-à-vis de la médecine générale).