Declic Violence

AIDE AU REPÉRAGE ET À LA PRISE EN CHARGE DES VIOLENCES CONJUGALES EN MÉDECINE GÉNÉRALE

J'améliore le suivi

EN BREF

C'est un processus long qui se met en place au fil des consultations. Il est important de proposer des consultations de suivi et de faire connaître sa disponibilité pour revoir la patiente. La relation de confiance joue un rôle essentiel.

Il ne faut pas s'attendre à ce que la patiente prenne des décisions immédiates pour changer sa situation. La patience et le respect de ses décisions sont les maîtres-mots de cet accompagnement. L'entretien motivationnel et le modèle des processus de changement de comportement sont des outils intéressants.

De la frustration peut naturellement être ressentie face à la lenteur des changements et même aux retours en arrière qui signifient l'ambivalence de ces patientes. Il est alors utile de se rappeler les obstacles qui les retiennent d'agir, et l'importance du processus d'emprise.

    * L'entretien motivationnel

    L'entretien motivationnel est une approche clinique, centré sur le patient, qui a pour objectif de renforcer la motivation au changement. C'est un accompagnement du patient, en respectant ses choix et son rythme, vers le changement. Ce travail collaboratif entre le médecin et le patient repose sur la création d'un lien entre les besoins, les préoccupations, les aspirations du patient et le changement de comportement. Il repose également sur un certain détachement de ses propres objectifs de médecin.

    Cette approche s'appuie sur 4 principes clés : "les 4 E"

    • Écouter avec empathie : un climat bienveillant et une bonne qualité d'écoute
    • Éviter l'argumentation qui ne fait qu'augmenter la résistance au changement
    • Explorer l'ambivalence en aidant le patient à faire émerger ses propres motivations et réticences au changement
    • Encourager le patient : c'est croire en ses capacités à changer et valoriser sa démarche

    Voici quelques techniques pour pratiquer l'entretient motivationnel : "OuVER"

    • Poser des questions Ouvertes : elles laissent une grande liberté d'élaboration au patient. Cela l'amène à dire ce qui lui paraît important à ses yeux et à être plus actif dans la consultation.
    • Valoriser : en soutenant l'espoir et l'optimisme dans le changement.
    • Pratiquer l’Écoute réflective : il s'agit de reprendre un mot, une expression ou reformuler une partie du discours du patient pour montrer au patient qu'on l'écoute et l'aider à poursuivre sa réflexion.
    • Résumer : Rassembler de temps en temps les informations du patient afin d'atteindre les mêmes objectifs que l'écoute réflective.

    * Le processus de changement

    L'ambivalence est constituée de tendances opposées qui créent un conflit et bloquent les perspectives de changement. Dans le langage, l'ambivalence se manifeste souvent par l'expression "oui, mais...". S'intéresser aux "pour et aux contre" est un moyen d'explorer l'ambivalence.

    Dans le cas des violences conjugales, voici quelques facteurs qui entrent en jeu dans la balance décisionnelle (les pour et les contre) : le niveau d'attachement au partenaire, le bien-être et la sécurité des enfants, le risque de séparation qui briserait la cellule familiale, l'aide de l'entourage, les ressources financières, l'emploi, les expériences antérieures avec des professionnels, les normes sociales et familiales, la santé mentale de la patiente, l'intensité de la violence, l'estime de soi...

    Des "catalyseurs de changement" ont été décrits dans la littérature concernant ces violences. Ce sont des événements particuliers pouvant amener la patiente à prendre des décisions en faveur d'un changement. Il s'agit de l'escalade des violences, la survenue de violences contre les enfants et le désir de les protéger, une conscience plus importante des différentes aides possibles, une lassitude concernant l'absence de changement de comportement de l'auteur des violences, l'infidélité du partenaire violent.

    Il est important de savoir déceler des indices de motivation au changement dans le discours de la patiente pour bien l'accompagner. Elle peut exprimer du désir "j'aimerais...", de la capacité "je pourrais...", des raisons "j'ai besoins de... pour...", des besoins "je dois...", de l'engagement "je vais..." ou encore une amorce de changement "j'ai commencé à...".

    Le modèle des étapes de changement peut être adapté à la problématique des violences conjugales. La motivation au changement est l'élément clé de la prise en charge.

    Le changement ne signifie pas nécessairement de quitter le partenaire, mais toute action allant contre la relation violente. Par exemple : parler des violences à son entourage, rencontrer un professionnel du réseau d'aide, porter plainte, etc...

    Cette théorie est basée sur une série d'étapes que la patiente emprunte avant de faire évoluer sa situation. Il s'agit d'un processus dynamique. Revenir à un stade antérieur est habituel. Ces allers-retours permettent à la patiente d'expérimenter ses propres ressources, de mieux comprendre sa situation et progressivement de gagner de la confiance en elle.

    le modèle des étapes de changement

    Cette approche peut être utile pour mieux comprendre la motivation de la patiente à faire évoluer sa situation et repérer à quelle étape de changement elle se situe afin de lui proposer des interventions appropriées.

    Ainsi, des interventions sont proposées en fonction du "stade de changement" :

    Étape Description de l'étape Propositions d'interventions par le médecin
    Précontemplation

    - La patiente nie ou minimise les violences et/ou leur gravité.

    - Elle peut ressentir du désespoir, de la culpabilité, de la peur et rationaliser le comportement du partenaire violent.

    → Augmenter chez la patiente la conscience de la dynamique des violences

    → Suggérer un lien possible entre les symptômes ou plaintes présentées et des problèmes à la maison

    Contemplation

    - La patiente a conscience du problème des violences.

    - Elle reste ambivalente concernant son désir et/ou sa capacité à faire des changements.

    → Travailler sur l'ambivalence

    → La soutenir et l'encourager

    → Lui proposer des aides extérieures (ressources locales)

    Préparation

    - Des arguments en faveur du changement ont émergé.

    - Elle planifie une action à mettre en œuvre dans le mois à venir.

    - C'est une période à risque pour la sécurité du foyer.

    → L'aider à explorer ses ressources et les options possibles

    → Respecter ses décisions concernant ce qu'elle prévoit de faire pour faire évoluer sa situation

    → Réévaluer la sécurité du foyer

    Action

    - Elle met en place les changements qu'elle a préparés.

    - C'est une période à risque pour la sécurité du foyer.

    → Poursuivre le soutien

    → Réévaluer la sécurité du foyer

    Consolidation: résistance et rechute

    - La patiente lutte entre maintien du changement et retour dans l'ancien environnement.

    - Les retours en arrière sont attendus.

    → Poursuivre le soutien

    → Réévaluer la sécurité du foyer

    Différentes techniques de prise en charge peuvent aider ces patientes. Les médecins généralistes qui s'intéressent à l'approche psychologique peuvent entreprendre le suivi eux-mêmes. Pour les autres, ils devront rapidement orienter la patiente vers un autre professionnel (collègue médecin généraliste, psychologue, psychiatre).
    * www.entretienmotivationnel.org par l'association francophone de diffusion de l'entretien motivationnel. Ce site permet d'approfondir ses connaissances dans le domaine.
    * www.mg-psy.org par l'unité Inserm U888. Ce site présente brièvement différents types de prise en charge dans le domaine de la santé mentale pouvant être utile en consultation de médecine générale. Par exemple : les techniques de relaxation, la gestion du stress, la technique de résolution des problèmes...
    Rien ne peut remplacer une formation spécifique sur la pratique de l'entretien motivationnel ou les autres approches psychologiques sus-citées.

    Lorsque la patiente est sortie du cercle de la violence, le médecin généraliste doit rester attentif et rechercher un éventuel état de stress post traumatique. D'autant plus si il y a eu menace de mort.

    Il s'agit de troubles psychiques qui se développent chez une personne après un événement ayant menacé son intégrité physique et/ou psychique. Ce sont des conséquences normales de situations anormales. (Pour en savoir plus sur les psychotraumatismes).

    L'ESPT associe :

    • syndrome de reviviscence (ruminations, flash back, rêves récurrents)
    • conduites d'évitement (des personnes, endroits, activités, situations qui ramènent à l’événement traumatisant)
    • hyperactivité neurovégétative
    • l'altération de la régulation des affects et des impulsions (exemples : idées suicidaires, prises de risque)
    • l'altération de l'attention et de la conscience (exemple : épisodes dissociatifs)
    • l'altération dans la perception de soi (exemples : sentiment de honte, de culpabilité, de vide)
    • l'altération dans la relation avec les autres (exemple : incapacité à faire confiance)
    • la somatisation
    • la perturbation dans le système de valeurs et de croyances = altérations cognitives

    Si la patiente présente des symptômes pouvant évoquer un état de stress post traumatique il est conseillé de l'adresser à un spécialiste en psycho-traumatologie (annuaire).